Ultramundo Mezcal – Terroir, Tortues & Ovnis

Il se murmure que dans la Zona del Silencio, les boussoles s’affolent et les ondes se taisent, laissant place aux légendes du désert. C’est au cœur de ce territoire énigmatique qu’Ultramundo puise son âme, façonnant un mezcal à la saveur empreinte de mystère.

Aventurons nous ensemble dans cette contrée hors du temps où tradition et surnaturel se rencontrent !

Bienvenue dans l’univers d’Ultramundo, un mezcal artisanal qui fait tourner bien des têtes parmi les passionnés de spiritueux (dont la mienne). Entre tradition ancestrale, respect de l’environnement et quête constante de perfection, Ultramundo séduit par son approche sincère et la qualité de ses cuvées.

Ultramundo

Remerciements : après avoir potassé les réseaux, et chassé le précieux jus, je suis rentré en contact avec la société Succulent Spirits basée aux Pays-Bas, et plus particulièrement Gaudéricq qui s’occupe de sa distribution en Europe. Il a pris le temps de répondre à ma demande, j’ai pu acheter une bouteille, et nous avons sympathisé durant plus d’une heure au téléphone, parlant de notre passion pour les spiritueux mexicains, et le beau portfolio qu’il porte avec son associé Ruud (nb : le site web arrive).
Merci pour votre travail exemplaire messieurs, il reste tant à faire pour mettre en avant ces produits !


L’histoire du ranch & la découverte de l’agave Lamparillo

Comme l’explique le fondateur de Mezcal Ultramundo : Sergio Garnier à MezcalReviews : son père avait acheté le Ranch Pelayo (une ferme, et un terrain de 9500 hectares) pour y faire l’élevage de taureaux, à l’époque subventionné par l’état.

Il reste des vaches au ranch - Source : mezcalreviews.com
Il reste des vaches au ranch – Source : mezcalreviews.com

De nombreux arbustes, du dasylirion (servant à la production de Sotol) et une seule espèce d’agave poussent dans cette région désertique sèche et sablonneuse, envahissant une partie du terrain. A l’époque, c’était plutôt une frustration, il fallait éviter ces larges zones d’agaves impénétrables avec les troupeaux. Mais alors que l’activité d’élevage décline lentement, Sergio, passionné de mezcal montre à ses amis mezcaleros des photos des agaves qui poussent sur le terrain familial : « du Lamparillo !! » s’exclament-ils.

Le Lamparillo est puro Duranguense, une plante originaire de l’État mexicain du Durango. Cet agave rare prospère dans des environnements parmi les plus hostiles, là où d’autres espèces d’agave ne peuvent pas survivre. Capable de résister à la chaleur du désert, mais aussi aux gelées jusqu’a -10°C, les conditions de survie et l’adaptabilité de cette espère en fait une véritable force de la nature.
Le Lamparillo met 15 à 20 ans pour arriver à maturité, peut peser jusqu’à X kg. Il est également reconnu comme « l’un des agaves les plus rares du Durango, voire même du Mexique ».

Agave Lamparillos - Source : mezcalitas.com
Agave Lamparillo – Source : mezcalitas.com

A ce moment là de l’histoire, presque personne n’a jamais gouté un mezcal issu de cet agave, mais le destin semble se dessiner : il faut se lancer dans le mezcal, transformer le ranch !

Autre fait important, qui provoquera ce destin : un club de mezcal mexicain découvre en juin 2022 l’une des premières cuvées d’un mezcal de Lamparillo. Les aficionados vont l’élire 8 mois de suite « meilleur mezcal du moment », ce qui permettra à Sergio de conforter son idée, et de lancer Ultramundo.


Terroir & mystères autour de la « Zona Del Silencio »

Le ranch est situé non loin de la ville Mapimí et dans la « Zona del Silencio ». 

A Mapimí on retrouve la « Réserve de Biosphère de Mapimí », créée en 1979 pour protéger la tortue du Bolson et d’autres espèces de faune et de flore uniques. Cette tortue figure d’ailleurs en bonne place sur l’étiquette d’Ultramundo ! De plus une partie des bénéfices récoltés par la vente de leur mezcal sert à soutenir divers projets visant à la protéger.

Faites une bonne action, buvez du mezcal, sauvez une tortue 😉
L'érosion du désert - Source : mezcalitas.com
L’érosion du désert – Source : mezcalitas.com

Concernant la Zona del Silencio : en juillet 1970, un missile d’essai lancé depuis une base militaire américaine dans l’Utah a perdu le contrôle et est tombé dans cette zone. La fusée transportait deux petits conteneurs d’un élément radioactif (source).
Bien qu’une opération de nettoyage ait eu lieu, des mythes et des histoires ont surgi à propos de la région. On évoque d’étranges anomalies magnétiques qui empêchent la transmission radio, des mutations de la flore et de la faune et même des rapports d’observations extraterrestres.

Il n’est donc pas surprenant que Sergio ait appelé sa marque Ultramundo – qu’on peut traduire par
« Au-delà » ou « Autre Monde ». D’ailleurs vous pourrez observer sur la bouteille une petite météorite tombant sur notre pauvre tortue, clin d’oeil à ces légendes locales.

Rien de tel qu’une bonne dose de folklore pour vendre une bouteille, mais au delà ce ça, on imagine bien un terroir peu commun, et particulièrement dur. Vents violents, pluies rares mais torrentielles qui viennent contrebalancer cette zone désertique, où tout est très vite déraciné : tout sauf nos Lamparillos ! Grâce à leurs racines profondes et tentaculaires, qui contribuent à lutter contre l’érosion.

Un aperçu de la zone et de la production de mezcal est dispo sur YouTube.


Production d’un mezcal traditionnel à Durango

Jusqu’en 2024, Ultramundo ramenait ses agaves à la communauté voisine de « Nombre de Dios », celle-ci leur permettant les process de cuisson, fermentation, et distillation du mezcal.
Depuis 2024, Ultramundo possède sa propre distillerie, et réplique les techniques traditionnelles pour produire ses nouveaux batchs, sans compromettre la qualité de son mezcal. Ils ont poussé la tradition au maximum, répliquant d’anciens outils, les laissant trainé durant 2 ans chez Nombre de Dios pour les patiner, et leur offrir un caractère authentique dès le premier batch ! Le sens du détail.

Il est important de rappeler que plus de 90% du mezcal est produit dans les « Palenque » de la région de Oaxaca. Chaque autre région productrice contient son lot de spécificités, ainsi certaines méthodes, outils, ou noms peuvent différer de ce que vous aurez peut être déjà lu sur le mezcal, la plupart des écrits ou connaissances actuellement diffusées s’appuyant sur le vocabulaire de Oaxaca.
Les distilleries de la région de Durango sont appelées Vinatas.

La cuisson des agaves est traditionnelle. Une fosse creusée dans le sol, un lit de bois et de pierres volcaniques réchauffent nos agaves durant 3-4 jours, à l’étouffé sous un amas de terre. C’est évidemment de là que la plupart des mezcals tirent leur gout fumé, plus ou moins prononcé.

Cuisson dans la fosse – Source : ultramundo.mx

La découpe des piñas rôties (coeur des agaves, sans les feuilles) est faite à la hache (spécificité que je n’avais pas encore rencontré jusqu’ici). Elle est effectuée directement dans des réservoirs rectangulaires en bois de Sabino, a demi-enterré. Ces réservoirs sont appelés « Tumbas » ou tombes.

– Le sucre d’agave, les fibres, et l’eau fermentent naturellement durant environ 2 jours dans un ensemble de petites tombes. Un process visible sur leur Insta.

– Dans la première distillation sont incorporées toutes les fibres d’agave, en plus du mout fermenté dans un alambic de type Duranguense. Alors là, tenez vous bien, c’est quasiment une pièce de collection !

Le Durangense - Source : ultramundo.mx
Alambic de type Durangense – Source : ultramundo.mx

L’alambic Duranguense, ou « Viejo » comme on l’appelle parfois, est souvent confondu avec l’alambic philippin. La principale différence entre un alambic Duranguense et un alambic philippin est le fonctionnement de la condensation. Avec un alambic Duranguense, le dessus de la « Montera » est recouvert de bois et non de métal. La vapeur sort de la montera via une cheminée en bambou ou en « quiote » et entre dans un tube de condensation en serpentin qui est immergé dans de l’eau froide. La vapeur se condense dans le serpentin et reprenant forme liquide, elle s’écoule vers le bas.

Le premier distillat appelé « Agua Vino » subira une 2eme distillation pour devenir un mezcal.
Point important, la capacité de l’alambic est de 300L par batch, vous comprenez donc à la fois la rareté, mais aussi l’énorme travail réalisé pour obtenir à peine 400 bouteilles.

Car oui, dans le mezcal, on distille toujours 2 fois ! Parfois même un peu plus (mais nous y reviendrons dans un autre épisode, car j’ai commandé deux bouteilles de ce type qui arrivent bientôt).

Un procédé & des outils hors du temps, rudimentaires, mais tout à fait excitants pour nous autres geeks en spiritueux. Ils sont maitrisés par peu de monde, et Sergio n’étant pas distillateur, il a fait appel à une figure emblématique de la scène mezcal pour lancer sa première cuvée (pratique commune au Mexique). Gil Rodan a donc produit son premier batch. Ont suivi des batchs de Benjamin Avila puis Juan Carlos Vasquez (d’où semble issue ma bouteille, son nom étant écrit à la main sur l’étiquette).


Préservation de l’environnement et production raisonnée

Qui dit mezcal traditionnel dit forcément respect de l’environnement & programme de préservation des agaves – c’est même légalement obligatoire pour obtenir le dénomination Mezcal.
Logique, puisque les agaves (de tout type) mettent 5 à 25 ans pour arriver à maturité, la demande en mezcal étant croissante, certaines espèces sont en danger d’extinction. Il faut donc les protéger, et raisonner les cultures. Ce que font bien sûr nos amis d’Ultramundo.

Nursery des futures Lamparillos. Source : mezcalitas.com
Nurserie des futures Lamparillos. Source : mezcalitas.com

Ultramundo pousse les initiatives vraiment plus loin que la moyenne des producteurs, et met un point d’honneur à préserver la biodiversité locale.
– Les agaves utilisés pour la production sont cultivés, mais aussi récoltés à l’état sauvage en veillant à toujours replanter pour ne pas épuiser la ressource. La petite nurserie aide à la sauvegarde de l’espère, et à augmenter les chances de survies de petits plants.
– Ils portent à 20% le taux d’agaves laissés pour la reproduction, contre 5% d’habitude. Un point important, car un agave qui se reproduit, et un agave qui ne pourra plus être utilisé pour produire du mezcal.
– Programme de préservation de la faune, flore, des tortues, et de lutte contre l’érosion des sols.

Un engagement exemplaire qui leur fait honneur, et déjà salué par leur pairs, en plus de la qualité gustative de leurs premières cuvées.

C’est également, à mon sens, un point des plus importants concernant la consommation de ce type de spiritueux. Bien que l’import en Europe soit couteux pour l’environnement, à travers l’achat d’une simple bouteille de mezcal nous pouvons permettre de préserver la nature, et donner les moyens de la protéger à nos amis mexicains – et ils en ont cruellement besoin, n’en doutez pas.


Notes de dégustation

C’est pas tout, mais ça goutte quoi du coup cet ovni ?

Bien que mes compétences actuelles soient assez limitées, j’ai trouvé plusieurs notes intéressantes, et posé quelques questions à nos amis d’Ultramundo. Surprise ! Eux ne font aucune notes de dégustations comme on en a l’habitude en Europe, mais trouvent ma description proche de leur ressenti, et des retours qu’ils ont eu – ouf !

Notes de dégustation

Nez : l’ouverture de la bouteille n’envahit pas toute la pièce d’un fumé trop prononcé, une certaine complexité se dégage derrière l’agave, et se démêle après quelques minutes. Des notes végétales, une terre bien grasse, une touche d’agrumes (citron jaune) subtile.
C’est équilibré, pas trop exubérant.

Bouche : la première gorgée, comme souvent, fait la part belle à l’agave cuit. Mais très rapidement, l’olive fait son apparition, un petit côté funky se dégage. A la deuxième gorgée, le bout de la langue me rappelle à la fraise, ou plutot la queue de fraise un peu verte, mais également des notes de légumes, et de poivrons. Le poivron va s’imposer petit à petit.

Finale : L’agave est là, un fumé très léger, et le poivron semble remplacé par une version peu épicée d’un jalapeño – que je n’avais jamais rencontré auparavant.
Très intrigant, équilibré, avec une finale longue.

Une très belle expérience qui n’est pas sans rappeler le Chacolo de Swell/Los Convidados, avec ce fumé léger, et le petit côté légumes du potager. C’est assez atypique pour nos palais habitués au rhum ou au whisky, mais ça ressemble bien à l’image que j’ai de ces vastes étendues désertiques parsemées d’agaves sauvages. Je ne peux que vous conseiller l’expérience ! Une aromatique riche & unique.


Les quiotes sortent de l'agave en période de reproduction. Source : ultramundo.mx
Les quiotes sortent de l’agave en période de reproduction. Source : ultramundo.mx

Conclusion

La chasse à l’ovni s’avère concluante ! Ce mezcal de Lamparillo est plus que prometteur, unique en son genre, et révèle un terroir & un savoir-faire hors du commun. Très heureux de voir que de nouvelles marques apportent de nouveaux projets au monde du mezcal, sans dénaturer les traditions. Mention spéciale pour l’engagement environnemental exemplaire, ainsi pour leur étiquette très cool & subtilement engagée. J’espère que leur projet pourra perdurer, et nous donner d’autres cuvées !

Ultramundo, un destin inévitable qui révèle l’agave Lamparillo
(et ce n’est que le début de l’aventure !)

THE JACK DROP – LE BLOG QUI PARLE DE RHUM, Mezcal & SPIRITUEUX – BASÉ À LILLE

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Comments

No comments yet. Why don’t you start the discussion?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *