Vous attendiez le debrief du Rhum Fest ?
Il n’est pas encore prêt. Mais dans le giron du festival qui se tenait à Paris ce WE, un certain nombre de professionnels posent leurs valises en France pour quelques semaines, c’est le cas de Franck Dormoy (Responsable de l’Exploitation et de la distillerie La Favorite – en Martinique) qui est monté jusqu’à Lille nous parler du travail ancestral de ses équipes, de belles histoires de famille, et.. nous faire déguster du rhum !
Nous voilà donc chez Emile & Marguerite (comme souvent), avec Romain, le patron, pas peu fier d’avoir mis la main sur Franck, et d’avoir pu l’amener dans le Noooooooord. Après une bonne introduction de sa part, Franck (accompagné d’Ornella, responsable commerciale pour La Favorite) nous a conté l’histoire de la distillerie, comment il a repris le flambeau familial, et ce qui caractérise la production de ses rhums.
Voici quelques informations qu’il me semble utiles de mentioner.

Histoire
La distillerie La Favorite, située au Lamentin en Martinique, incarne l’authenticité et la tradition du rhum agricole. Fondée en 1842 et acquise par la famille Dormoy en 1905, elle est aujourd’hui dirigée par Frank Dormoy (quatrième génération) perpétuant un savoir-faire artisanal unique.
La Favorite est l’une des dernières distilleries de l’île à fonctionner entièrement à la vapeur, grâce à une machine datant de 1906, toujours en activité . La canne à sucre est récoltée manuellement (un « détail » qu’il ne faudrait pas négliger) sur les 60 hectares de plantations de la distillerie, un procédé ancestral qui garantit la qualité du produit final, et perpétue un savoir-faire authentique.
Chaque année, la distillerie produit environ 450 000 litres de rhum. Représentant moins de 3 % de la production totale de la Martinique, cette production limitée permet de se concentrer sur des cuvées de qualité, souvent en éditions restreintes de 2 000 à 3 000 bouteilles par millésime.
Si la bouteille vous parle, c’est qu’elle a une histoire également. Sa forme tient bien en main grâce au creux présent à l’arrière de celle-ci. Elle présente également des reliefs évoquant la bagasse (résidu fibreux de la canne à sucre). Un design assez iconique donc, hérité du moule que son grand-père avait fait à l’époque, récemment remis à neuf (et adapté aux étiquettes plus modernes). Bref, rien n’est laissé au hasard.
Soucieuse de l’environnement, La Favorite utilise la bagasse comme combustible pour sa machine à vapeur, mais aussi des bouteilles en verre recyclé, et des étiquettes à base de bagasse.
Dégustation
Quelques notes, et remarques sur les cuvées dégustées ce soir.
A noter, les rhums sont bien sûr tous dans l’ AOC qui régit les normes du Rhum Agricole de Martinique.



Tjé Kann 2024, 48% – Blanc.
Disponible dans un grand format d’un litre, c’est l’alliée « parfaite pour l’été », nous dit-on.
Je suis plutôt d’accord, c’est un blanc facile d’accès, avec un alcool (à mon sens) imperceptible, qui a permis de se mettre facilement dans le bain. J’ai apprécié les notes de cannes à sucre évidentes, les agrumes portés sur le citron vert, et de légères notes iodées en bouche. La finale par contre un peu sur la bagasse, des notes minérales ou terreuses pourraient s’accommoder d’un peu de sucre en ti-punch.
Concernant ces notes justement, elles sont logiques, à la fois sur la récolte manuelle de la canne, mais aussi sur les sols du milieu de l’ile, qui sont globalement assez argileux à La Favorite. C’est donc plutôt le temps de fermentation mais surtout le type de canne qui influera le gout des blancs.
La Digue 2023, 52% – Blanc
J’avais une revanche à prendre avec cette cuvée, parce que la version 2021 ne m’avait pas laissé un bon souvenir. C’est une bonne chose de la voir ce soir, car cette cuvée 2023 m’a vraiment plût !
Une belle canne (de variété Roseau), assez végétale & florale au nez.
En bouche, c’est une caresse, avec un poivre très fin, et une belle sucrosité qui vient titiller les papilles.
La finale est dans la continuité, plutot longue, avec peut être quelques notes de racines. Très sympa !
Coeur de Canne, 42% – 4 ans
Deux fûts, l’un en bourbon, l’autre en cognac sont blendés pour assembler ce rhum.
Si le bois est plutôt bien fondu, léger, et la vanille présente, le cognac amène des fruits comme la pomme, ou encore la poire. Un type de fût que j’apprécie beaucoup.
Ici ça reste un peu jeune, mais agréable, avec une finale sur le coing.



Exploration N°8, 3 ans (2021), 46%
Un STR réalisé par la tonnellerie Navarre (chauffe ambrée) et un fût issu des cognacs Lheraud, pour un résultat très porté sur l’eau-de-vie de fruits, l’abricot, pourquoi pas un peu de framboise. La texture est vraiment agréable. La finale nous ramène au boisé assez typique des chênes français. Pari réussi.
Millésime 2016, 8 ans, Brut de Fût, 50.7%
Etant habitué à des rhums autour de 60°, je ne pouvais que me réjouir de retrouver un brut de fût (même s’il est réduit un peu avant d’entrer dans le tonneau), donc évidemment ca marche.
Une belle canne, florale, encore présente malgré tout (et c’est tant mieux), des notes fruitées, peut être de Kumquat au nez. De l’orange, un boisé pas encore trop marqué, et de beaux épices en bouche.
C’est un rhum fin, équilibré, avec une puissante plutôt mesurée. Top !
Surprise du chef ! Un brut de colonne unique, embouteillé juste pour l’occasion !
Autour des 75%, il est sorti de sa cuve juste avant le rhum fest. Dédicacé pour notre bon Romain et sa super boutique, c’est une attention très sympa (en plus des petits sous-verres La Favorite offerts aux participants) et assez rare pour être soulignée !
Monoparcellaire « Zicac » (je pense que ça s’écrit comme ça) , canne roseau également.
75%, 10 mois de repos en cuve inox (il me semble).
Je l’ai trouvé assez proche de La Digue dégusté un peu avant, avec de belles notes de canne, d’agrumes, une légère olive (que Clara, ma voisine du soir trouvait assez marquée). Un alcool plutôt doux comparé au titre alcoolique, pour une cuvée équilibrée, et abordable. La finale nous a rappelé l’olive noire. Très sympa !
Si vous n’avez jamais gouté de brut de colonne, c’est peut être celui-là qu’il vous faut !
Conclusion
Alors si mon rhum blanc préféré restera La Favorite Rivière Bel Air (2021), et que je ne lui ai pas trouvé de successeur ce soir, il était très intéressant de revenir sur la digue, de comparer l’influence du fût sur des rhums relativement jeunes, et de pouvoir pousser les questions avec Franck.

Certaines informations resteront bien entre nous, mais je le remercie pour sa franchise, il n’a pas hésité à répondre à questions tabou, concernant les nouvelles marques qui arrivent en Martinique, la concurrence du rhum de Guadeloupe, les rhums sans AOC, bref, tout a été répondu.
Nous avons également pu bénéficier d’un rappel sur les fameuses cuvées Flibuste, entre recette du grand-père, fantasmes des enchérisseurs, et doigt pointé des puristes, c’était une bonne chose de remettre l’église au centre du village : oui, la Flibuste est une cuvée pouvant aller jusqu’a 33 ans, imaginée par son grand-père, où vanille, pruneaux (ainsi que des raisins secs et de la muscade ? j’ai perdu le fil de mes notes) marinaient durant toute la durée du vieillissement avec le rhum. Si vous appréciez, continuez à l’apprécier, si vous n’aimez pas ou que ce n’est pas dans votre budget, alors ce n’est pas grave 🙂
Dernière anecdote, il boit quoi Franck ? Principalement du blanc, avec un pairing fromage – et dans le nord on en fait de très bons d’ailleurs, nous dit-il avant de se resservir généreusement.
Merci à tous les participants de cette belle soirée La Favorite à Lille : Romain, Franck, Ornella, Anthony, Clara…
Les rhums La Favorite perpétuent un héritage familial, et des procédés ancestraux qu’il convient d’honorer comme il se doit. Le travail des cuvées explorations « plus ludique » permet également de découvrir le vieillissement à travers un prisme intéressant. Merci Franck d’être passé dans le nooooord !
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